Des poules dans le jardin

Avoir des poules dans son jardin… Cela semble une bonne idée ! En échange de nos déchets de cuisine elles nous fournissent des œufs… Est-ce le seul intérêt ? Quelques éléments de réflexion concernant l’origine des œufs que nous consommons.

La consommation d’œufs

A moins d’être vegan / végétalien ou allergique aux œufs, tout le monde consomme des œufs, que ce soit de façon visible ou cachée dans les gâteaux, la mayonnaise, les quiches…

œufs de poule
œufs de poule

Quelques chiffres d’après le site de l’interprofession des œufs.

  • En 2022, la production mondiale d’œufs de consommation de poules était de 79,6 millions de tonnes équivalent œuf coquille (téoc), soit environ 1 490 milliards d’œufs, en baisse de 0,8 % par rapport à 2021.
  • Au top 4 des producteurs :
    • 1/ la Chine avec 25,5 millions de tonnes produites en 2022 (32 % de la production mondiale).
    • 2/ l’UE-27, avec 8 % de la production mondiale
    • 3/ l’Inde (7,3 %)
    • 4/ les États-Unis (7,2 %).
  • La France vient en tête des producteurs européens avec l’Allemagne et l’Espagne. En 2022, on note une production de 14,4 milliards d’œufs (896 000 tonnes), en baisse d’1,2 milliard d’œufs par rapport à 2021 en raison de l’influenza aviaire.
  • Dans les dernières enquêtes, 99% des français consomment des œufs. 91% en consomment au moins une fois par semaine.
    • en moyenne, un français consomme 220 œufs par an, soit plus de 4 œufs par semaine.
    • dans presque la moitié des cas, il s’agit des œufs achetés en magasin.
    • dans un tiers des cas, ce sont des « ovoproduits ».
    • et 20% des œufs proviennent de la restauration hors domicile à 20 %

Les ovoproduits

Les ovoproduitssont les jaunes et blancs d’œufs vendus sous forme liquide, congelée ou sous forme de poudre pour les industriels de l’agro-alimentaire et pour les professionnels de la restauration. Ce sont les « œufs » contenus dans les pâtisseries, viennoiseries, mayonnaises etc industriels. Pratiques, hygiéniques, aux normes… Certes le « bilan carbone » est moins bon, ces ovoproduits sont dans des emballages, ont largement voyagé… Mais ce n’est pas la préoccupation première de l’agro-industrie ou de la restauration collective.

D’où viennent nos œufs ?

Pour des questions environnementales (limiter les transports qui consomment de l’énergie et polluent), pour favoriser l’économie locale, on peut supposer que les œufs que nous consommons sont produits localement… Peut-être achetez-vous vos œufs directement au producteur sur le marché ou au magasin du producteur. Sinon… en êtes-vous certains ? Vérifiez-vous l’origine des œufs que vous achetez ? Et pensez-vous à regarder d’où viennent les œufs cachés dans des produits achetés en grande surface, chez le traiteur, en boulangerie, au restaurant… ?

Des œufs de France…

D’après l‘interprofession de l’œuf, on peut savoir si les œufs qu’on achète sont « français ». En effet, depuis 2018, le logo « Œufs de France » permet d’identifier les œufs pondus en France, par des poules nées et élevées en France. Ce logo était présent sur plus de 70 % des œufs vendus en magasin en 2021. Et concernant les biscuits, sauces, pâtes, plats préparés, etc. 28 % des ovoproduits vendus aux entreprises agroalimentaires et à la restauration portaient le logo « Œufs de France » en 2021.

Donc… on importe une partie des œufs consommés, et une partie des poules présentes dans les élevages ont pu naître ailleurs.

Exemple : cake marbré d’une grande marque.

L’emballage de la pâtisserie montre le logo caractéristique « fabriqué en Bretagne ». On pense dès lors qualité, produit français… Qu’en est-il des œufs ? sont-ils bretons ?

Le site de la marque précise ses engagements. On apprend ainsi, concernant les œufs, qu’en 2025 ils seront tous produits « hors cage ». Mais aujourd’hui en 2024… On peut supposer que les œufs de cette pâtisserie, certes entiers, sont en réalité un ovoproduit. Sinon l’industriel aurait écrit « œufs frais ». Quant à leur origine… S’ils avaient été français, ça aurait été indiqué. On ne peut même pas être sûrs qu’ils ont été pondus sur le territoire européen. Peut-être s’agit-il d’œufs en poudre produits en Chine ? On peut être sûr que les poules à l’origine de ces œufs n’ont jamais vu le soleil, probablement vivent-elles encore dans des cages empêchant tout bien-être animal… Bon appétit !

Parmi les géants français…

Dans l’Oise, la Ferme du Pré contrôle un cheptel de plus de deux millions de poules, réparties en 3 sites d’élevage de 400.000 poules (en cages). Ces chiffres proviennent de l’entreprise. Certes 400.000 x 3 n’est pas égal à 2 millions… 400.000, c’est le nombre de poules présentes simultanément sur un site. Mais quand les poules ont 18 mois, elles partent à l’abattoir, il y a donc un roulement. Je suppose que 2 millions correspond au cheptel annuel.

L’entreprise commercialise plus de 698 millions d’œufs par an, distribués en majorité par sa flotte de 10 camions. Peut-être avez-vous déjà vu circuler ces semi-remorques.

Pour garantir la fraîcheur, la « ferme » collecte 6 jours sur 7 les œufs pondus du jour, pour partie à destination de la vente d’œufs « coquille » et pour partie d’ovoproduits. Des quantités vertigineuses…

  • 120 000 œufs sont calibrés par heure
  • 120 000 œufs sont cassés par heure
  • 30 000 œufs sont cuits et écalés par heure

Savez-vous que 60% des animaux d’élevage sont concentrés dans 3% des fermes d’élevage en France ? Et que cette concentration engendre des problèmes environnementaux (eutrophisation, pollution de l’air…) et de santé, notamment du fait de la production d’ammoniac ? Je vous invite à mieux connaître ces problèmes sur le site nature 43. Notamment, directement lié à notre consommation de produits animaux (donc d’élevage de poules) je vous conseille l’article déforestation et sécheresse.

Des œufs quand on est végétarien…

D’après une enquête publiée en 2021,  2,2 % des Français interrogés en 2020 déclarent avoir adopté un régime sans viande (pescetarien, végétarien ou végan), 24 % limitent volontairement leur consommation de viande et se classent parmi les flexitariens. Parmi les raisons peut figurer le prix de la viande, mais en premier, souvent, figure le bien-être animal, le désir de ne rien manger qui ait nécessité de tuer un animal.

Les œufs, produits par les poules (ou les canes, oies…), figurent dès lors en bonne place du régime des végétariens.

oeufs de poule et de cane
œuf de poule (P) et de cane (C)

Nul besoin de tuer d’animal pour en avoir… En théorie du moins ! Car connaissez-vous la réalité des élevages ?

Les poussins mâles…

Pour commencer, cela semble une évidence, seules les poules pondent des œufs, pas les coqs. Mais croyez-vous que dans les élevages de poules pondeuses ne naissent que des poussins femelles ? Bien sûr que non… Et les poussins mâles, qu’en fait-on ? Ils deviennent des poulets ? non… Les races destinées à la production de poulet doivent grandir vite, les races destinées à la production d’œufs doivent pondre beaucoup. Certes, certaines races peuvent être « de chair » et « pour les œufs », mais ce sont des races « artisanales », elles ne sont pas assez performantes pour la rentabilité exigée dans les fermes usines qui comptent des centaines de milliers de volatiles. On veut au moins 300 œufs par an et par poule ! Des poulets commercialisables quand ils ont au plus 40 jours !

Becs à nourrir inutiles, les poussins de sexe masculin des filières « poules pondeuses » étaient éliminés dès la naissance, en général broyés. Cela concernait environ 300 millions de poussins mâles chaque année dans l’Union européenne, dont 50 millions en France. Et en Chine, premier producteur… ? Et que deviennent-ils une fois tués ? Je n’ai pas trouvé l’information. La fabrication de nuggets à partir de poussins broyés est, semble-t-il, une légende urbaine. Déchet ? Valorisation sous forme de farine animale à destination de certains élevages ? je ne sais pas. Et vous ?

Une belle méthode…

Des chercheurs ont mis au point une technique d’analyse du spectre lumineux des vaisseaux sanguins des embryons. Dans les œufs fécondés couvés trois jours, les embryons possèdent des vaisseaux sanguins mais pas de cellules nerveuses. Donc ces embryons ne peuvent ressentir de douleur. Un laser creuse un sillon circulaire au sommet de l’œuf. L’œuf est ensuite déposé dans un spectromètre. Sur un écran s’affiche le spectre des caractéristiques biochimiques du sang de l’embryon, avec un algorithme qui différencie les sexes avec une fiabilité de 95%. Si le poussin est mâle, l’œuf est jeté. Mais on peut imaginer leur utilisation potentielle : nourriture pour poissons, shampoings au jaune d’œuf… Si l’embryon est femelle, on peut reboucher l’œuf et le mettre en couveuse.(source).

Il existe donc depuis 2016 une technologie permettant de sélectionner les poules pondeuses sans souffrance animale. Mais est-elle utilisée quelque part ? Je ne sais pas, j’en doute…

L’ovosexage en France

En France, la loi interdit le broyage des poussins mâles depuis le premier janvier 2023. Oui mais… regardons de plus près ce qu’il en est (source).

Dans la filière ponte, on utilise deux souches de volailles, la brune et la blanche. On destine les œufs blancs à la restauration hors domicile et l’industrie agroalimentaire, les œufs bruns à la vente au détail.

On détermine le sexe de l’embryon quand il a 14 jours d’incubation : On peut définir la couleur des plumes de l’embryon par analyse optique, à travers la coquille. En effet, mâles et femelles de la souche brune n’ont pas la même couleur de duvet. Mais pour la souche blanche on ne peut procéder ainsi. On pourrait doser une hormone dans l’œuf, mais au vu de la concurrence, c’est trop coûteux.

Conclusion, en France, 85% des poussins mâles, de souche brune, sont éliminés quand ce sont des embryons de 15 jours. Sachant que dès le neuvième jour, l’embryon commence à vraiment ressembler à un poussin et que l’éclosion a lieu à 21 jours…

Quant aux 15 % des poussins blancs, ils ne sont pas soumis au sexage. En France, on ne les élimine plus par broyage, mais par asphyxie au CO2

Et à l’étranger… Dans la pâtisserie industrielle évoquée plus haut, dont on ignore la provenance des ingrédients, comment les poussins mâles sont-ils traités dans le pays d’origine des œufs ???

Donc amis végétariens désolée si vous avez pris conscience que derrière la consommation d’œufs industriels se cache le massacre de millions de poussins mâles, nouveau-nés ou embryons suffisamment grands pour être sensibles. Cela n’existe pas dans les filières de poulets de chair puisqu’on ne se préoccupe alors que de la rapidité de croissance des jeunes animaux et non de leur sexe.

Les conditions d’élevage

Si vous achetez vos œufs en direct du producteur, sur le lieu de production, vous pourrez constater dans quelle mesure on respecte les besoins des poules. Ces animaux ont besoin d’espace pour « se dégourdir les pattes ». Il leur faut de l’ombre, des perchoirs. Parmi leurs occupations on peut les observer gratter la terre, picorer ce qu’elles y trouvent… En direct du producteur au marché, on peut dialoguer, s’intéresser à l’élevage.

Mais bien souvent, on achète les œufs en grande surface. Dans ce cas, on sait uniquement si les poules ont accès ou non à un parcours extérieur et si leur alimentation est « bio » ou « conventionnelle ». Un code figure sur chaque œuf.

Code 0 : élevage biologique

L’aviculture biologique représente, fin 2019, 17 % du cheptel français pour les poules pondeuses, et 2 % pour les poulets de chair. En 2022, on compte 9,64 millions de poules pondeuses bio. (source)

Les poules pondeuses sont alimentées avec de la nourriture biologique (95% minimum). Elles ont accès à des parcours extérieurs où elles disposent d’abris et de végétation. Cela semble bien n’est-ce-pas ?

Taille des élevages

Si vous avez affaire à un très petit élevage, avec vente en direct, oui assurément. Mais acheter des œufs « bio » ne signifie nullement que l’élevage n’est pas industriel. Dans un article paru en 2019, on peut lire qu’en vente directe, les petits élevages comptent moins de 500 poules, les élevages « fermiers » qui commercialisent leurs œufs par exemple en magasin bio ont entre 500 et 6000 poules. La grande distribution fait quant à elle appel à de grands élevages de plusieurs milliers de poules pondeuses. Ainsi, en 2016, 8 % des élevages bio comptaient plus de 9 000 poules pondeuses. 16 élevages en avaient plus de 18.000, et même 7 plus de 24 000 poules pondeuses bio.

2,11 millions de poules bio sont élevées en Bretagne, dans des fermes de 7.000 poules en moyenne en 2022. Alors certes, on est très loin des élevages industriels dont on parlera plus loin, grâce à des surfaces exigées suffisantes pour chaque poule :

  • Les bâtiments ne peuvent pas accueillir plus de 3000 poules ; leur surface doit être suffisante pour qu’il n’y ait pas plus de 6 poules/m² au sol.
  • Chaque poule doit disposer d’au moins 4 m² en plein air durant au moins un tiers de leur vie, sur un parcours défini selon les principes de l’agriculture biologique (équipements de protection, végétation, mangeoires et abreuvoirs suffisamment nombreux). Elles ne peuvent pas rester en cages (source)… mais en cas d’épisode de grippe aviaire, sans équipement adapté, les poules pondeuses peuvent rester confinées dans leur bâtiment.

Autre « détail ». Si vous pouvez acheter des œufs (bio ou non) en toute saison, c’est grâce à l’éclairage en hiver, et à la maîtrise des températures entre 12 et 14°C dans l’idéal…

Alimentation des poules pondeuses bio

Quand on choisit le bio, ça peut être pour la santé, mais aussi pour l’environnement. Dans ces élevages, l’alimentation est produite suivant des critères biologique : sans pesticide interdit ni engrais de synthèse. Très bien pour la santé de tous comme pour l’environnement.

Mais pour l’environnement, on peut aussi s’interroger sur la provenance de l’alimentation donnée aux poules. Au moins un tiers doit provenir de l’exploitation ou, à défaut, de la région. Et qu’en est-il du reste ?

Les besoins en protéines des poules est élevé. Pour les satisfaire, l’éleveur peut leur donner des tourteaux de soja. Seule condition en bio : le soja ne doit pas être OGM. Regardons par exemple l’emballage d’un mélange bio pour poules pondeuses. On y lit qu’on l’a produit en France, avec des céréales françaises et sans OGM. Parmi les ingrédients figurent des tourteaux de tournesol et de soja. Il ne s’agit pas de céréales… 100% des matières agricoles sont « bio », mais d’où viennent les minéraux et les vitamines ?

Si vous achetez un mélange pour poules, regardez sous le logo « agriculture biologique », vous verrez peut-être FR (la totalité des ingrédients provient de France), UE (tout provient d’Europe) ou… UE et non-UE. Dans ce dernier cas, le tourteau de soja a pu contribuer à la déforestation en Amazonie…

Et si vous achetez des œufs en grande surface… Même bio, ils proviennent d’un élevage « industriel ». Le tourteau de soja apporte une meilleure rentabilité. On n’en produit pas suffisamment en France pour l’ensemble des élevage. Donc…

Code 1 : élevage en plein air

Les poules ont accès à un parcours extérieur au cours de la journée : 4 m2 par poule en plein air « standard », 5 en Label Rouge.

Taille des élevages

Là aussi, « plein air » ne signifie pas « non industriel »… Par exemple en 2018 on a inauguré un élevage de 40.000 poules : Un bâtiment de 2.800 mètres carrés est ouvert sur un parcours en plein air de 16 hectares. (article). Tant qu’on respecte la limite de 2.500 poules par hectare et, en Label Rouge, 6.000 poules max par bâtiment et 12.000 sur le site d’élevage. (source).

Soyons aussi conscient que, plein air / label rouge / bio, il existe effectivement un parcours extérieur avec la porte de l’élevage ouverte sur ce parcours… Mais les poules n’y vont pas forcément ! En effet, de nombreuses poules craignent les espaces ouverts, qui les rendent vulnérables aux prédateurs volants. À moins que ces espaces ouverts ne soient bien conçus, avec des arbres, des broussailles ou même des panneaux solaires, les poules « plein air » peuvent passer leur journée à l’intérieur si elles s’y sentent plus en sécurité…

Alimentation

En Label Rouge comme dans en plein air, au sol ou en cage, le mélange donné aux poules doit contenir uniquement des végétaux, minéraux et vitamines. Mais en Label Rouge, il doit y avoir 50% minimum de céréales et aucun colorant de synthèse. Aucune règle pour les autres poules de plein air ou élevées au sol ou en cage. Dans tous les cas, on peut s’attendre à la présence de tourteaux de soja. Huile extraite à sec ou avec des solvants ? Soja OGM ou non ? cultivé aux détriments de la forêt amazonienne ou non ? C’est une question de rentabilité entre coût de l’aliment / ration à donner aux poules / nombre d’œufs pondus / prix de vente des œufs…

Code 2 : élevage au sol

Les poules évoluent librement à l’intérieur d’un bâtiment. Elles disposent de la même surface que dans les élevages de plein air et Label Rouge : 9 poules / m² soit 1111 cm² par poule. À titre de référence, une feuille de papier A4 a une surface de 625 centimètres carrés. L’espace disponible pour chaque poule est donc inférieur à un cahier grand format ouvert… Par ailleurs les poules disposent du même « confort » : 15 cm de perchoir, par poule avec 4 niveaux superposés possibles pour se percher. Enfin, l’éleveur doit recouvrir de litière 1/3 de la surface au sol. Mais elles n’ont jamais accès à l’extérieur. Et il n’y a pas d’exigence réglementaire quant à la taille de l’élevage ou l’alimentation (du moment qu’il n’y a que végétaux, vitamines et minéraux).

Code 3 : élevage en cages « aménagées »

Depuis le 1er janvier 2012, la réglementation européenne interdit les cages « conventionnelles » mais autorise cependant encore les cages « aménagées »…  

Les poules sont en groupe de 20 à 60, disposent de perchoirs, de nids et d’un tapis pour gratter et picorer. Cela permet à l’éleveur d’affirmer qu’il respecte les besoins et les comportements de la poule tout en offrant un œuf bon marché aux consommateurs.

Mais quand on sait que les cages ont une hauteur de 45 cm, et que chaque poule dispose d’un espace de 750 cm2 (contre 550 auparavant)…

Afin de prévenir les comportements inadaptés engendrés par la promiscuité, les becs des poules sont coupés… d’après ce que j’ai lu sans anesthésie… Et bien sûr, ces conditions étant hautement propices aux infections, les animaux reçoivent antibiotiques et autres traitements.

Ce mode d’élevage représente encore presque un quart des élevages en France, et encore deux cinquièmes des élevages en Europe. Ils ne voient pas le soleil mais soyez rassurés, on éclaire les poules pondeuses… Savez-vous que l’éclairage permet d’influencer aussi bien la maturité sexuelle et le taux de ponte que le nombre d’œufs et le poids des œufs ? (article)

Du côté des poulets de chair, Sur 750 millions de poulets élevés chaque année en France, environ 83% le sont dans des élevages intensifs : densité de peuplement élevée (17 à 22 poulets/m², soit moins d’une feuille A4 par poulet), bâtiments sombres et nus, croissance trop rapide… Ils ne connaissent pas les cages mais ce n’est guère mieux !  Ils atteignent leur poids d’abattage entre 38 et 40 jours.

La commission européenne s’était engagée à présenter d’ici fin 2023 une proposition visant à supprimer progressivement l’utilisation de systèmes de cages pour les poules pondeuses, truies, veaux, lapins, poulets, cailles, canards et oies. Face à l’inaction de l’Europe, un collectif a porté plainte en mars 2024. (source).

Espérance de vie des poules…

On l’a compris, dans l’élevage de poulets de chair, on abat les volatiles mâles et femelles dès l’âge de un mois et demi dans les productions intensives. On peut espérer que les poules pondeuses vivent longtemps ? Il n’en est rien…

Nous avons déjà vu qu’on élimine les poussins mâles. Les poulettes quant à elles commencent leur cycle de ponte à l’âge de 4-5 mois. Il dure environ 12-13 mois, pendant lesquels la poule peut pondre environ 300 œufs.

En général la poule pondeuse fait un cycle de ponte avant d’être réformée. On l’envoie alors à l’abattoir où on valorise sa viande, principalement sous forme transformée… Autrement dit, quel que soit le type d’élevage, les poules pondeuses femelles sont abattues vers un an et demi.

La valorisation en viande…

Une poule de réforme est valorisable en viande à 58 % alors que 83% d’un poulet de chair fournit de la viande. Cette viande des poules de réforme est plus rouge et moins jaune que celle du poulet de chair. Elle est transformée avant d’être commercialisée, avec l’avantage d’être moins chère. Par exemple, si vous achetez une terrine de poule bio, il est probable qu’il s’agisse d’une transformation de poules pondeuses… (source)

Concrètement, dès que vous voyez « viande de poule », vous savez qu’elle provient de poules « de réforme » – soit des poules pondeuses d’œuf de consommation, soit des poules reproductrices. Et vous croyez que les poules sont transformées dans le pays où elles ont pondu des œufs ? Ce serait trop simple… A la fin des années 2010, on réformait chaque année environ 54 millions de poules pondeuses d’œuf de consommation : plus de la moitié (environ 30 millions) sont transformées dans des usines françaises, mais aussi 24 millions ailleurs en Europe… (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Pologne). Et pour les 8 millions de poules reproductrices, on en transforme 4,4 millions en France et 3,6 millions ailleurs… On est dans des logiques financières. Par exemple en Pologne, le coût d’abattage
est inférieur de près de moitié par rapport aux abattoirs néerlandais ou français. Dès lors, malgré le coût du transport, le prix de revient d’une poule de réforme française transformée en Pologne est 35 % inférieur à une poule française transformée en France… En effet, tant qu’on respecte la réglementation du transport, les animaux issus d’élevages cage / au sol / plein air peuvent voyager. La distance est limitée pour les poules Label Rouge (Maximum 100 km ou 3 heures) et Bio. (source).

Et… sur les 34,4 millions d’animaux ainsi abattus en France chaque année, 7,6 sont destinées au marché français, 2,3 au marché européen… et 24,1 partent à l’international, par exemple en Afrique sub-saharienne.

Si vous voulez en savoir davantage, je vous conseille ce document.

Des poules dans son jardin

Vous désirez sortir de cette logique industrielle ? Vous désirez être sûr que les œufs que vous mangez proviennent de poules se nourrissant d’aliments produits localement sans pesticides toxiques, sans voyage ni emballage excessif ? Mais aussi peut-être êtes-vous végétarien et êtes indigné du peu de cas que l’on fait de la vie des poules pondeuses ?

Ou vous souhaitez animer votre jardin, partager le plaisir de la présence de ces animaux avec vos enfants ?

Sauver des poules de réforme

Un moyen économique et éthique est d’acheter des poules de réforme. Par exemple l’association Poule Pour Tous soutient le sauvetage des poules pondeuses de 18 mois des abattoirs. Les poules ont vécu dans des élevages professionnels Plein Air durant 1an. Elles ont été vaccinées et vermifugées. Elles pondront encore 3 à 4 années chez le particulier, l’équivalent de 1000 œufs.

Des poules pour réduire les déchets organiques

Depuis le 1er janvier 2024, les collectivités ont l’obligation d’organiser le tri des biodéchets. Certaines communes ont choisi une solution originale mais efficace : distribuer gratuitement des poules aux habitants. Par exemple Montigny-en-Arrouaise, petit village de 300 habitants dans le nord de l’Aisne (article). Certaines communes n’ont pas attendu cette loi pour opter pour la distribution de poules pour réduire les déchets organiques. Par exemple dès 2018, une expérimentation était menée à Trévoux, petite ville de l’Ain d’environ 6 000 habitants (article).

En effet, avec 2 poules, c’est 150 kg en moins dans les ordures ménagères (source). Car outre les grains que l’on va acheter (si on peut, l’idéal est bien sûr du grain bio à un agriculteur local), on va donner aux poules nos déchets de cuisine.

Voici les conseils donnés par le guide « Quelques poules dans mon jardin » paru en 2014 aux éditions Ulmer.

  • La poule est omnivore. Son alimentation doit être diversifiée : céréales, graines, baies, verdures, insectes, vers… Il est important que la présentation des aliments aussi soit variée. Si elle n’a que des granulés, des troubles du comportement peuvent apparaître.
  • Deux heures après un repas de graines, le jabot de la poule est vide et elle va de nouveau se nourrir… il est donc souhaitable de prévoir un apport fréquent de petites quantités (pour ne pas attirer les rats et autres animaux pouvant repérer la mangeoire).
  • Quand les poules auront des dents… Ce dicton rappelle que les poules n’ont pas de dents. Le « grit » du commerce, les petits graviers picorés par la poule permettent le broyage des aliments dans le jabot.
  • Quelle quantité prévoir ? jusqu’à 150 g par jour d’aliment, moins si la poule est libre de picorer dans un grand jardin. Cela dépend bien sûr aussi de l’âge.

L’apport énergétique

La poule trouve l’apport énergétique dont elle a besoin dans les grains concassés de blé ou maïs, mais aussi tournesol noir, brisures de riz, restes de pâtes ou pommes de terre cuites à l’eau et peu ou non salés, petites quantités de pain dur trempé, restes de pizza… Attention comme nous, les poules ne mangent ni pomme de terre vertes ni épluchures de pommes de terre crues.

Le maïs concassé, très digestible, donne une belle couleur au jaune d’œuf. Il peut constituer jusqu’à 50% de la ration.

Le blé est intéressant car plus riche en protéines que le maïs. On peut en donner jusqu’à 40/50 g par jour et par poule.

Les protéines

Un tiers de l’alimentation des poules doit permettre un apport protéiné. Elles pourront se délecter de fourmis, mouches, cloportes, chenilles ou limaces. Côté végétal, c’est le rôle des tourteaux de soja donnés dans les élevages industriels, dont on peut se passer à domicile car il y en a aussi dans les pois, le lin, le tournesol ou le colza.

L’hiver, on peut confectionner des pâtées chaudes à base de riz, de semoule ou de pâtes pour chien, et d’un peu de viande hachée ou d’œuf dur. Par contre soyez vigilant à ne pas donner à vos poules le goût des œufs crus…

On peut aussi leur donner, en petites quantités, des restes de viande ou de poisson.

Vous bêchez ? Laissez les poules vous tenir compagnie. Elles vont vite comprendre que c’est une belle occasion pour dénicher vers et autres petites bêtes.

Le calcium

Pour être en forme et produire les coquilles de leurs œufs, les poules ont besoin de calcium. On leur donne souvent des coquilles d’huîtres broyées achetées. Mais on peut aussi broyer des coquilles de moules ou d’escargots. On peut également incorporer à leur alimentation des os de seiche broyés.

On peut enfin leur donner des croûtes de fromage.

En revanche ne les habituez pas à consommer des coquilles d’œufs de poules… En effet, cela les incite à piquer, casser et manger leurs propres œufs !

La verdure

L’herbe est indispensable à l’équilibre alimentaire des poules. Mais on peut aussi leur donner des restes de salades, du chou émincé, des épluchures de haricots verts et de pois, des épluchures de fruits frais (pommes, poires…). On pourra aussi leur proposer les « mauvaises herbes » non toxiques : pissenlit, gaillet, plantain…

En revanche, on évitera les trognons de choux, trop durs. On mettra au compost et non dans l’enclos des poules les pelures d’oignons, de céleri ou de poireau ainsi que les peaux de bananes, les écorces d’agrumes ou les épluchures de kiwi. De même que tout ce qui est moisi : Ces déchets non consommables par nous ne le sont pas non plus par les poules. Et on évitera bien sûr tout végétal toxique sur leur parcours. Pas d’if ni de laurier cerise, pas de digitale, datura ou morelle noire par exemple.

L’eau

Les poules boivent souvent, et davantage qu’elles ne mangent. On peut compter au moins un demi-litre d’eau bien propre par jour et par poule quand il fait chaud.

En conclusion…

On peut lire que la consommation régulière d’œufs permet de répondre à des enjeux nutritionnels et environnementaux. On peut trouver des valeurs d’émission de CO2 dix fois plus faible que pour la viande de bœuf, un impact moindre sur l’eau ou les sols… Mais on l’a bien compris. Qu’il s’agisse d’impact environnemental ou d’éthique, tout va dépendre du mode d’élevage, de l’alimentation apportée, des transports potentiels… C’est pourquoi je choisis de ne pas communiquer de données chiffrées. Car il y a un monde entre les œufs de poules qui vivent dans le jardin, se nourrissent des déchets alimentaires, de ce qui se trouve dans le jardin, et de grains produits par le paysan bio du coin, et les œufs de poules élevées en cage et nourries avec des matières premières produites aux 4 coins du globe…